On ne peut pas être et avoir été. citation connue relative aux personnes, mais qui peut s'associer également aux lieux, aux quartiers, à la ville.
Certains demeurent immuables, traversant le temps, parfois même les
époques, préservés des changements et des interventions humaines.
D'autres, bien qu'ils fassent partie intégrante du paysage, sont peu à
peu réhabilités, transformés, parfois démolis — au point de ne plus
ressembler aux images gravées dans les mémoires.
À
Villeneuve d’Ascq, le cas est particulier : les murs vieillissent, la
nature évolue, mais la ville est-elle encore trop jeune pour être
qualifiée "d’ancienne ville nouvelle" ?
Pour préserver son identité, son authenticité, et respecter le projet
initial des aménageurs, la municipalité entreprend des travaux de
réfection un peu partout, afin que les architectures présentes
conservent leur apparence d'origine, elle innove également en
construisant pour répondre aux besoins d'une population non pas
croissante mais hétéroclite.
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Le Mélies - Rue traversière- Triolo - 2019 ( vue artist.)
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La
société change aussi, La philosophie du vivre-ensemble réelle au
début dans les nouveaux quartiers n'est plus. Du moins pas comme on
l’envisageait lors de la création de la ville. Les défauts de conception
initiaux ont rapproché les premiers habitants, parfois de générations
différentes. Une cohésion sans précédent s’est construite, favorisant
les initiatives pour se réunir régulièrement à l’occasion de diverses
manifestations festives ou... de mécontentement !(1)
Les fêtes d'école, de collège , les feux de la St Jean, les braderies ont rapproché un temps les habitants, le temps d'un week-end, ou d'activités extra-scolaire ou d'une sortie éducative, et peu à peu les réunions furent plus fréquente.
La configuration des nouveaux quartiers crée un attachement des habitants à leur environnement immédiat, sans pour autant favoriser les liens avec les quartiers voisins(5)
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Allée des Coursives - 1974 Installation quand la peinture était encore fraîche (image générée IA)
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🏙 Le temps a fait son œuvre, et les artisans de cette solidarité complice entre voisins ont peu à peu disparu. Malgré l’apparente préservation des quartiers, certains anciens habitants, restés sur place, ne reconnaissent plus vraiment leur quartier.
La mixité sociale n’est plus une réalité. Les nouveaux quartiers, initialement conçus pour accueillir des ménages issus des classes moyennes, ont perdu cette vocation. Le prix du mètre carré a explosé au cours des trente dernières années.(6) Les pionniers de la ville nouvelle sont partis profiter de leur retraite sous des climats plus doux et/ou moins oppressants, parfois hors de la région.
Le constat est frappant : Les quartiers du Triolo, du Pont-de-Bois et de l’Hôtel de Ville conservent une présence significative de classes moyennes, tandis que d'autres secteurs de la ville accueillent une population globalement plus aisée. Cette évolution tend à accentuer, au fil des années, une certaine différenciation socio-économique entre les quartiers.
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Ecole Camus - Rue de la Convention - Cousinerie Garderie en chantier 1979 ( vue artist.)
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Parmi ceux qui sont restés, certains
évoquent avec regret, les débuts de la ville nouvelle, cet esprit
d’entraide et de cohésion qui a perduré tant qu’il a pu. un esprit "sans
barrières", d'autres soulignent les transformations d’une société à laquelle on a peu à peu inculqué le besoin d’une intimité protégée, sécurisante, voire individualiste.
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Centre universitaire - La bibliothèque - Carte promotionnelle |
De nombreux espaces publics dits " ouverts" de la
ville nouvelle ont ainsi été clôturés. Les entrées d'immeubles sont munis de portiques à digicode. Les L.C.R (2) ne fonctionnent
plus à plein régime malgré une activité associative encore vivace. Les
structures demeurent mais l'esprit n'est plus le même.(3)
De même que
la volonté initiale du mélange des populations citadine et étudiante
(4) n'est plus un sujet d'actualité, à "Lille 3" au Pont-de-Bois le
campus a été clôturé dans les années "2000" pour cause de dégradations
et d'intrusions. Les initiatives de conférences universitaires ouvertes aux publics rencontrent un timide succès.
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Avenue jl hennebel 1348 Louvain la neuve Eglise st francois |
À l’image de notre voisine belge Louvain-la-Neuve — ville universitaire née à la même époque que Villeneuve-d’Ascq et presque jumelle par son modèle urbanistique et son développement autour d’un même projet associant nature et architecture — cette dernière connaît des difficultés similaires en matière de cohésion sociale entre étudiants et population locale.
Au final, il ne nous reste que des souvenirs. Pour certains, l’image d’une ville claire, presque déserte mais prête à nous accueillir. Des fragments d’images éparses, parfois oubliées, parfois retrouvées — comme des bouteilles lancées à la mer des années plus tôt, venues s’échouer enfin sur les rives de nos mémoires.